The One Hand / The Six Fingers

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The One Hand et The Six Fingers sont deux mini-séries en cinq parties, publiées de façon concomitante, par Image Comics. Tout l’intérêt réside à lire les deux titres en même temps, car – même si elles sont développées par deux équipes créatives différentes – elles se répondent l’une à l’autre. Construits à quatre mains, Ram V et Laurence Campbell se chargent de The One Hand, Dan Watters et Sumit Kumar composent The Six Fingers. Lee Loughridge, Aditya Bidikar et Tom Muller assurent respectivement les couleurs, la typographie et le design sur les deux titres, contribuant ainsi à une cohésion artistique de ce projet éditorial fort enthousiasmant.

The One Hand et The Six Fingers façonnent, sur deux trames interdépendantes, le récit d’un criminel, particulièrement violent, qui démembre ses victimes, puis peint sur les murs d’étranges symboles rupestres avec leur sang. Et cet horrible tueur semble disposer d’une particularité physique : une polydactylie postaxiale, autrement dit, l’existence d’un sixième doigt¹.

Ram V apprécie de mettre en scène des personnages qui ont la singularité d’être dévoués corps et âme à leur cause. Dans Rare Flavors (Boom Comics), Rubin Baksh – un démon indien venu sur Terre – rêvant d’être le prochain Anthony Bourdain, s’emploie tellement à son projet qu’il est prêt à dévorer les humains. Dans The many deaths of Laila Starr / Les morts de Laila Starr (Boom Comics / Urban Comics pour la VF), la déesse hindou de la mort se retrouve mortelle à ses dépends et cherche à se venger au point de se sacrifier à plusieurs reprises pour atteindre son but. Chez Ram V, les personnages se consacrent avec détermination à leur dessein, ils se dédient pleinement et de façon tenace à leur projet, ils embrassent sans limite leur ambition.

Dans la mini-série The One hand, c’est de nouveau le cas avec Ari Nassar, détective besogneux qui vient tout juste d’atteindre l’âge de retraite. Mais à peine le pot de départ éclusé et les cadeaux déballés, il va obliger son supérieur à lui confier l’enquête portant sur un nouveau cas de meurtre violent.

Alors pourquoi reprendre du service ? Car Ari Nassar a déjà arrêté il y a quelques années Martin Tillman qui sévissait selon le même modus operandi. Le tueur originel a été condamné et est mort incarcéré. Un copy-cat, un autre criminel pratiquant le mimétisme, a alors pris la relevé et s’est mis à tuer à la manière de Tillman. Arrêté également à son tour, Ari Nassar pensait en avoir terminer avec cette affaire, mais ne compte pas partir sans boucler celle-ci. Dévouement, quand tu nous tiens…

A la septième planche, Ari Nassar sort d’un bâtiment et on se fait saisir par l’extérieur. Sans autre indice préalable, le lecteur se prend en pleine figure l’espace et le temps du récit. Nous voilà plongés en 2873, dans une mégapole appelée Neo Novena (étonnant choix de nom, quand on sait qu’une neuvaine est une dévotion – encore une – de neuf jours, destinée à obtenir des grâces). La référence à Blade Runner est bien évidemment là : un détective aussi usé que son imper’, une pluie omniprésente, des prostituées androïdes, une atmosphère poisseuse et ultra sombre…

C’est Dan Watters (Lucifer, Home Sick Pilots, Arkham City) qui se charge de l’écriture de The Six Fingers. Cette série parallèle suit les affres d’un jeune étudiant ; Johannes Vale. Tel un jeune doctorant, il tente de convaincre les professeurs de son laboratoire de recherche pour financer des fouilles archéologiques d’une civilisation oubliée en leur présentant un artefact retrouvé. Mais son exposé est un lamentable fiasco car il a oublié toutes ses notes et la documentation pour étayer son argumentaire. Sa mémoire lui fait complétement défaut et sa besace d’étudiant ne contient qu’un chiffon imprégné de sang.

Il ne lui reste plus qu’à retourner à son boulot ingrat de manutention dans une usine énergétique de Neo Novena, où il prend des risques sanitaires inconsidérés pour nettoyer les nombreuses fuites. Il finira à l’infirmerie pour intoxication chimique… Obnubilé par la perte de ses notes, son esprit s’obscurcit. Au point d’oublier le rendez-vous avec sa copine dans une galerie d’art, qui constituera le troisième fiasco de sa désastreuse journée. Éprouvé par l’exposition et par les événements du jour, Johannes Vale quitte la galerie dans un accès de colère. Afin de s’apaiser, il tente de retrouver la mémoire en revenant sur ses pas de la veille, en espérant se rappeler où sont passées ses notes. Mais les souvenirs qui lui reviennent ne semblent pas ceux qu’il espérait…

Étonnement, The Six Fingers est plus lumineux dans son premier numéro que The One Hand, qui est plus sombre et pesant dans son atmosphère. Mais, le malaise s’insinue et devient palpable. Très rapidement, on craint que l’absence de Vale ne cache quelque chose de bien plus horrible. Sans compter, cet appendice qui lui pousse sur la main, à côté de son petit doigt.

The One Hand / The Six Fingers s’envisagent donc globalement. La lecture des deux titres doit se faire simultanément, car les connexions et les intrications sont nombreuses et donnent toute l’ampleur au récit. Néanmoins, chaque scénariste (avec ses qualités propres et son talent) arrive à donner un ton personnel à la trame qu’il développe. Le titre de l’un n’est pas le spin-off de l’autre, et c’est en cela que c’est réussi. One Hand / The Six Fingers est une proposition très réjouissante dans son concept, surtout vous aimez les polars cruels et les thrillers sombres et futuristes. A suivre où les prochains numéros nous mèneront mais avec Ram V et Dan Watters à l’écriture, ça ne présage que du bon !

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(1) Comme Uderzo d’ailleurs.


Références

The One Hand – Ram V, Laurence Campbell, Lee Loughridge, Aditya Bidikar et Tom Muller
The Six Fingers – Dan Watters, Sumit Kumar, , Lee Loughridge, Aditya Bidikar et Tom Muller
publié chez Image Comics


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